Cet article a été réalisé dans le cadre d’une série de « j’ai testé pour vous » des Masters 1 de l’EDJ.
Les arnaques se multiplient sur Internet. Les victimes sont, chaque jour, plus nombreuses malgré les promesses invraisemblables qu’on leur fait miroiter. C’est le cas de RentAFriend. Un site internet permettant de « louer un ami » à proximité de votre région.
Prudence. Tandis que le contexte sanitaire chamboule depuis deux ans les perspectives de nombreux Français, beaucoup tentent de trouver des alternatives afin pallier l’isolement. Leur objectif? Se rassurer, se sociabiliser et multiplier les rencontres amicales. Mais pour certains, la situation reste malgré tout, alarmante. Il devient alors difficile, voire presque impossible de s’en sortir. Mais pas de panique, RentAFriend est là pour vous ! Comment ? En louant un ami le temps d’une après-midi ou d’une journée, vous ne serez plus seul pour sortir à l’extérieur, pour boire des verres dans un bar, ou encore pour aller au cinéma. Vous serez accompagné de votre ami. Une solution comme une autre, afin de diminuer ce sentiment d’abandon. Mais seulement…
Un peu moins de 30 euros par mois
Muni d’un passeport et d’une carte bancaire, il faut avant tout s’inscrire sur la plateforme. Le coût ? Un peu moins de 30 euros par mois. Le site doit ensuite approuver l’inscription. Tout est vérifié: numéro de téléphone, domiciliation, passeport… Il faut compter environ 24 heures avant d’obtenir l’e-mail de confirmation. Si on ne parle pas bien anglais, il est important de maîtriser les sites de traduction automatique en ligne pour naviguer sur la plateforme.

Une fois le précieux lien de confirmation obtenu, on découvre les règles juridiques. Des conseils ou carrément des obligations sont donnés, pour pouvoir trouver plus facilement un ami. Par exemple, il est obligatoire de donner un vrai prénom, un vrai âge et les raisons pour lesquelles la location d’ami est souhaitée. Et il ne faut pas créer de faux compte, comme si on ne le savait pas déjà. La personne contactée doit être informée de tous ces paramètres. La liste des règles est un peu longue mais assez basique. Cela donne en revanche l’impression que les législateurs ont une volonté de tout contrôler.
Hétérosexuel, homosexuel, bisexuel ?
Recherchant naïvement à louer un ami, la plateforme donne selon la région, les différentes personnes inscrites et disponibles pour une journée. Mais étrange, aucun prénom n’apparaît… A la place, ce sont des pseudos qui s’affichent. Parmi eux, « Yaya » ou encore « Lola06 ». Avant même de louer, il faut soi-même créer un profil. Les préférences sont demandées : plutôt ami(e)s filles ou garçons ? Quelle limite géographique ? Puis, des questions plus équivoques sont soumises à ce nouvel utilisateur : êtes-vous intéressés par les garçons hétérosexuels, homosexuels ou bisexuels ? Êtes-vous une femme hétérosexuelle, homosexuelle ou bisexuelle ?
Autre point : la location des personnes se paye à l’heure et à un prix, semble-t-il, un peu élevé. Environ 50 euros de l’heure. Les utilisateurs sont alors libres de choisir leurs horaires, leurs « clients ». Mais tout est à la charge du loueur. Alors beaucoup de ces loueurs finissent également par se faire louer, pour compenser tous les coûts associés.
Une fois le profil créé, le travail sérieux commence. Il faut contacter des personnes sur Nice. C’est pendant la pause déjeuner que le moment est le mieux choisi pour envoyer les premiers messages. Il faut en choisir plusieurs, plutôt une dizaine, pour être sûr d’avoir une réponse qui aboutit. Le temps entre la lecture et les réponses est long… La méfiance se fait ressentir. Pour éviter tout soupçon, il vaut mieux jouer le jeu de l’étudiante sans ami. De cette jeune femme intelligente, pourtant seule et perdue qui n’arrive pas à s’intégrer dans sa classe. Il fallait foncer !
« Mais rien de sexuel »
Le temps passe vite. Les jours s’écoulent… Pourtant, au bout du compte, toujours rien. Nada. Les premières interrogations se font. Pourquoi les personnes ne sont-elles pas réactives ? Cela interroge particulièrement. Le plus étonnant a été de lire les descriptions des utilisatrices, comme Lola06. « Bonjour, je m’appelle Aurélie. J’ai un fiancé. Je ne veux donc pas d’hommes hétérosexuels. Uniquement un homme âgé qui veut sortir dîner ou faire du shopping. Mais rien de sexuel. Je préfère juste sortir et marcher. M’asseoir et boire un Starbucks. Par contre, je paie mon Starbucks, donc vous devrez seulement me payer les heures que je passe avec vous. » Il y a également les hommes de plus de 50 ans – particulièrement nombreux – qui agissent comme des adolescents. Notamment avec des photos où ils paraissent bien plus jeunes. Mais aussi des photos torses nus. Comme si on était sur Tinder !

Il faut attendre trois jours plus tard, minuit, pour avoir une première réponse. Celle de Yaya, 39 ans : « Comment être sûr que vous n’êtes pas un faux profil ? ». Impossible de savoir ce qui se cache derrière cette question, mais on se le demande tout de même. Le but est alors de rassurer la personne, de proposer un FaceTime. Mais, malgré tous les efforts, aucune réponse. Des numéros de téléphone sont alors communiqués par le site. Il ne manquait donc plus qu’à contacter Yaya de cette façon. Mais là encore, rien n’aboutit. « Erreur de destinataire », répond le numéro. Petit à petit, le nouvel utilisateur commence à comprendre le principe même du site… Totalement bidon. Une manière d’attirer des jeunes gens naïfs, dont on se serait bien passé, même si elle fait partie des charmes et du business de ces utilisateurs réguliers. Alors, il ne reste qu’à plier bagage. Prendre les dernières photos pour en rigoler avec son entourage. Puis, se désinscrire…
La crise sanitaire, un facteur déclenchant de solitude… Les 15-30 ans, particulièrement touchés par l’isolement. C’est ce que révèle le rapport de la Fondation de France pour l’année 2021. Entre les confinements, les couvre-feux, la fermeture des restaurants, bars et autres lieux de culture, notre moral a été mis à rude épreuve depuis deux ans. Quant aux possibilités de sorties, elles ont été grandement réduites. Alors, qui sont les plus affectés ? D’après le rapport sorti en décembre 2021, plus de 54 % des jeunes ont un sentiment d’abandon, d’exclusion ou d’inutilité contre 35 % pour la moyenne générale. Et 21 % des 15-30 ans sont en situation d’isolement, soit une augmentation de 9 % en un an. Quant aux salaires, avoir des bons revenus n’a pas non plus protégé les Français de la solitude… Elle s’est fait plus ressentir pour les personnes aux revenus supérieurs à 3 000 € (65 %), et les personnes autonomes (57 %). |
*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Léna Peguet*
Karelle Perier