Bernard Lesieur, l’emblème du Parking Saint-Jean-d’Angély

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Bernard Lesieur et Fifille, sa chienne devant leur voiture garée depuis deux ans près de la faculté de Saint-Jean D’Angély - CP Cely Gaddacha

Sa maison mesure six mètres carrés. Depuis deux ans Bernard Lesieur vit dans son véhicule. Il n’a comme seule compagnie Fifille, sa chienne. Il en parle comme une amie. Il a vécu avec elle des moments forts dans une situation qu’il qualifie « d’inhumaine »

« Les premiers mois où j’ai dormi dans cette épave, j’étais comme assassiné. J’avais plein de souvenirs qui sont remontés à la surface […] comme la mort de ma mère », confie Bernard appuyé sur une rambarde. Cigarette à la bouche, il ne lui reste plus que quelques dents. Le regard vide et souligné par de larges cernes, il est timide sur sa vie passée. Le décès de sa mère remonte à la surface chaque fois qu’il s’endort. Notamment les nuits de décembre. Le mois où elle a perdu la vie. « J’ai tenu la tête de ma mère quand elle a fermé les yeux pour la dernière fois […] avant de rendre l’âme elle m’a confié que j’avais un frère. Personne ne le sait et c’est un secret que je garde depuis une dizaine d’années », raconte-t-il en accrochant le harnais de Fifille. Des secrets, il en compte par dizaines, à commencer par sa situation actuelle. Seul son fils Romain connaît les difficultés quotidiennes de son père. Bernard s’arrête de parler. Les yeux remplis de larmes il révèle qu’il ment à tout le monde : « personne ne sait que je suis là, sous la merde des pigeons […] une fois que tous ça sera terminé je ferai un trait sur cette période ».

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Hier, c’était son anniversaire. Il a eu 64 ans. Il a reçu une vingtaine de mails d’amis et de proches. Il a répondu à tous, sans exception mais leur a menti. « Je leur ai dit que j’étais débordé. Que j’étais occupé par le travail. Cet emploi que je n’ai pas », poursuit-il tout en nettoyant ses lunettes. Aussitôt à la rue, l’ancien agent de la Marine nationale s’est activé pour trouver un travail. Il a tapé à toutes les portes. Il a appelé toutes les annonces mais le téléphone sonne aux abonnés absents. Son moral s’est instantanément retrouvé au plus bas. « J’étais en dépression. Personne ne me voyait, je faisais partie des murs[…] j’ai même pensé au suicide », confesse l’homme. Bernard n’est pas un cas isolé, pendant longtemps il dormait à côté d’un autre homme. Un individu qui a pour l’heure disparu de Nice, après avoir « éclaté le crâne de sa femme sur le capot d’une voiture près de la mienne », reconnaît Bernard à faible voix. L’homme qu’il définit est actuellement recherché par la police. Cigarette à la main, il ironise : « lui ce n’est pas un casier judiciaire qu’il a, c’est un curriculum vitae ». Droit dans ses bottes, il n’aime pas l’incivisme. Il n’a jamais pris de drogue ni d’alcool et « malheureusement je dors et vis sur un parking qui est à l’encontre de ma vision […] je ne choisis pas où je dors. Je subis ».


Cely Gaddacha