Géorgie : l’arrivée des réfugiés russes fait débat 

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Les Géorgiens manifestent dans les rues de Tbilissi pour afficher leur soutien à l’Ukraine dans le conflit avec la Russie. © Commons Wikimédia

Coût de la vie qui flambe, peur d’accueillir des partisans du Kremlin, appréhension d’une ingérence militaire… La Géorgie est touchée de plein fouet par l’arrivée quotidienne de milliers de Russes qui fuient le régime de Moscou. 

10 000. C’est le nombre de déserteurs russes à franchir quotidiennement la frontière géorgienne. Ils fuient l’annonce de la mobilisation partielle pour la guerre en Ukraine déclarée par Moscou deux mois auparavant. 10 000, c’est près du double de réfugiés avant l’appel aux combattants. Mais cette recrudescence de réfugiés inquiète : parmi les 3,7 millions d’habitants de ce petit pays du Caucase, certains redoutent l’arrivée de prorusses. « Je suis content qu’ils aient peur de leur pays, mais je suis inquiet qu’ils viennent vivre ici », déclare un ressortissant géorgien au micro de C dans l’Air.  La venue des migrants fait du bruit dans les rues de Tbilissi. « Comment être sûrs que leur gouvernement n’envahira pas notre pays pour les protéger ? », rapporte VoxEurop

Pour ces familles qui ont tout abandonné, l’accueil est hostile. Interrogée par France Inter, Nona Mamulashvili, députée géorgienne de l’opposition, estime que ces nouveaux arrivants « en demandent trop ». Parmi les requêtes des réfugiés : l’ouverture d’écoles russes et la demande de droits citoyens. « Que vont-ils exiger dans le futur ? », fulmine-t-elle.  La menace d’une expansion du pouvoir russe en Géorgie est vivement redoutée. Mais pour ces immigrés russes, fuir est une question de vie ou de mort : « Je refuse d’être un pion de Poutine », déclare un déserteur sur France 24

L’arrivée des migrants affecte le prix des loyers à Tbilissi 

L’exode russe impacte fortement le marché de l’immobilier dans la capitale géorgienne. Une augmentation des loyers est estimée à près de 60 % à Tbilissi. « La demande de biens locatifs vient de migrants aisés qui louent, car leur présence pourrait être temporaire », précise Kakha Samkurashvili, chercheur en investissement, sur Euronews. Les petits revenus sont les premiers touchés par cette flambée des prix. 

Gvantsa est étudiante. Au micro de France Inter, la jeune femme rapporte qu’elle ne peut plus rien louer : « Les propriétaires augmentent les loyers, car les Russes payent plus cher. » Pourtant, les réfugiés voient cette réalité d’un tout autre œil. Katia, une Sibérienne arrivée en Géorgie quelques mois plus tôt, juge que la situation est « positive pour l’économie locale » et que l’argent dépensé par la diaspora russe va « augmenter le pouvoir d’achat des Géorgiens ».

Une Géorgie toujours meurtrie par son passé avec la Russie  

Dans la mesure où le Kremlin occupe toujours 20 % du territoire dans les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, la menace d’un nouveau droit d’ingérence russe sur cette vague migratoire inquiète. Depuis le 26 août 2008, la Russie reconnaît en effet l’indépendance de ces républiques sécessionnistes. Une position pourtant condamnée par l’Union européenne.

14 ans en arrière, Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité de Russie, signait un cessez-le-feu ordonnant le retrait de ses troupes dans ces régions. « C’est mon devoir de protéger la vie et l’intégrité des citoyens russes où qu’ils se trouvent », justifie-t-il à l’époque. Pour rappel, les deux pays se disputent ces deux territoires au moment des faits et Nicolas Sarkozy s’impose comme médiateur au moment de conflit. En 2008, la Géorgie perd cette « guerre éclair » contre Moscou.

Mathilde Barat

*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Ismahan Stambouli*

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