Réforme de l’université – « Il faut donner aux étudiants les moyens de s’émanciper »

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La ministre Frédérique Vidal veut mettre fin au tirage au sort pour entrer à l'université. (Photo AFP d'Alain Jocard)

La ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal a présenté son plan étudiant et sa réforme. La suppression du tirage au sort pour l’entrée à l’université est l’une des mesures phares envisagée, tout comme la fin de la Sécurité Sociale étudiante.

« La fin du tirage au sort c’est une bonne chose, mais il ne faut pas oublier qu’un étudiant sur deux est salarié ». Lucas Silva, étudiant de troisième année en licence d’Histoire à la faculté de lettres et syndiqué à l’Unef, considère que le gouvernement ne va pas assez loin. Même s’il pense que la suppression du tirage au sort pour entrer à l’université favorise l’égalité entre les étudiants, il faut en faire plus pour améliorer leur quotidien. « Nous ne voulons pas une petite réforme administrative », précise-t-il, en référence à la suppression progressive de la Sécurité Sociale étudiante à partir de 2018. Son syndicat réclame plus de professeurs et une augmentation du budget de l’enseignement supérieur. « L’Unef demande la création d’un salaire étudiant, parce que ceux qui font des études travaillent, même s’ils sont en formation, et ils peuvent faire avancer la recherche » martèle Lucas Silva. Il ne veut plus voir des jeunes obligés de trouver un emploi pour payer leur cursus : « parfois, ils dépendent de leurs parents qui ne peuvent ou ne veulent pas les aider, souffle-t-il, il faut donner aux étudiants les moyens de s’émanciper ». Il salue malgré tout les efforts de Frédérique Vidal, ancienne présidente de l’université Nice-Sophia-Antipolis. « Il était temps que le tirage au sort disparaisse, ça ne prenait pas en compte la motivation… En plus, ton avenir ne peut pas se jouer sur un numéro » relève-t-il. Mais pour le jeune syndicaliste, la précarité n’est pas prête de s’achever.

Pas tous les étudiants sont aussi motivés que Lucas pour réformer la vie universitaire. Paul-Louis hausse les épaules quand il entend parler de la fin du tirage au sort. Devant les portes de la faculté Saint-Jean d’Angély, le jeune homme est sceptique. « Il y aura toujours une sélection », lâche-t-il, entre deux bouffées de cigarette. L’étudiant aimerait que n’importe quel lycéen puisse suivre une formation universitaire après le baccalauréat. Victoria approuve d’un vif hochement de tête : « C’est l’esprit même de la fac, de laisser sa chance à tout le monde, ajoute l’étudiante, emmitouflée dans son manteau vert, il ne devrait pas y avoir de sélection, peu importe la filière ». En revanche, pour ce qui est de la fin de la Sécu étudiante, les deux amis écarquillent les yeux quand ils découvrent ce projet. « Je n’étais pas au courant, avoue Paul-Louis, de toutes façons j’ai jamais rien compris à ce système ». Victoria se souvient du moment où elle a dû choisir entre la Mep et la LMDE [deux Sécu étudiantes] : « J’ai fait ça complètement au pif » dit-elle, ne pouvant s’empêcher de pouffer de rire. « Mais ça va changer quoi de passer au régime général ? On va continuer de payer notre cotisation dans tous les cas » s’interroge Paul-Louis. Victoria fait la moue, déçue que les réformes n’aillent pas plus loin.

Si la suppression du tirage au sort la satisfait, Pauline considère quand même que l’entrée à l’université doit se faire sur une sélection. L’étudiante en médecine, le visage marqué par des cernes noirs, estime que le mérite doit être mis en avant. « Sur le marché du travail, ce sont les meilleurs qui réussissent. Ce sont donc les meilleurs qui doivent entrer dans les filières les plus demandées », tranche-t-elle, catégorique. Elle évoque le cas de certains étudiants qu’elle a croisé en première année qui n’étaient pas motivés. « Ils sont venus par défaut, explique-t-elle, c’est une filière d’excellence, forcément ça attire ceux qui ne savent pas quoi faire et qui ont eu un bac S ». La jeune étudiante est consciente des inégalités qui peuvent exister, elle préconise d’ailleurs une augmentation des bourses et un meilleur suivi des élèves des lycées défavorisés. « Il n’y a pas que dans le monde universitaire qu’il y a des injustices, tout le monde professionnel est fait d’inégalités. Ce n’est pas pour autant que la notion de mérite doit être écartée » déclare-t-elle, sous l’œil étonné de sa meilleure amie Lisa. Pauline se félicite de la fin de la Sécurité Sociale étudiante : « On paye une fortune pour être très mal remboursés, il est temps que ça s’arrête », lâche-t-elle, avant de retourner en cours.

HELENA SARRACANIE