Voilà ce qu’il faut réellement comprendre des chiffres sur l’alcoolémie des Français

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La France était championne du monde de la consommation d'alcool jusqu'aux années 2000. Image d'illustration

« L’alcool provoque 3 millions de morts par an dans le monde », il tue « plus que le sida, la tuberculose et la violence réunis », « rien qu’un verre par joue aggrave les risques de cancer et d’AVC »… les titres anxiogènes sur notre consommation d’alcool font florès dans les médias depuis des années. On a regardé de près les chiffres nationaux publiés sur la question.

La France est longtemps restée la championne du monde de la consommation d’alcool. Si l’Hexagone est depuis passé à la 15ème place, il reste beaucoup de croyances populaires sur notre rapport à la boisson. Nous nous sommes intéressés aux plus répandues, voici les infos que vous pouvez retenir.

Les Français boivent moins (mais plus mal)

Si les pays européens restent globalement de grands amateurs d’alcool, la consommation de ces produits en France baisse continuellement depuis des années.

Entre 1961 et 2010, elle a baissé de moitié, passant de 26 à 12 litres d’alcool pur par an et par habitant de plus de 15 ans.

« Si on regarde à travers l’Histoire, la quantité d’alcool par jour et par personne a baissé. On est passé d’une consommation quotidienne avec de grands buveurs de vin midis et soirs — et souvent en grande quantité — à des habitudes plus modestes » nous explique-t-on au Centre niçois de lutte contre l’addictologie. « Maintenant, il y a peut- être plus de consommations toxiques et aiguë le week end. C’est les modalités, les formes de consommation qui ont évolué. »

En clair, les Français boivent moins d’alcool dits « ordinaires » (vins, bières) au quotidien, mais ils connaissent plus souvent des ivresses ponctuelles avec des alcools dits « forts »(vodka, etc).

Les jeunes boivent pas mal en soirée (mais ça n’est pas nouveau)

Les études s’accordent à dire ces dernières années qu’il y aurait à peu près un jeune de 17 ans sur deux qui aurait connu au moins un épisode de beuverie expresse dans l’année (ce qu’on pourrait appeler une « cuite »).

Il est souvent arrivé que les médias se fassent écho des soirées arrosées des jeunes au lycée et à la fac, par le phénomène du binge-drinking — boire beaucoup en très peu de temps — notamment. Pourtant, le phénomène n’est pas tellement neuf : « On ne peut pas vraiment dire que le problème des jeunes avec l’alcool soit très nouveau, il y avait sans doute déjà de grosses bitures en soirée dans les années 1960. L’usage toxique et massif de ce produit par les 17 ans et plus est une préoccupation majeure, mais n’est elle n’est pas spécialement liée à la génération actuelle » nous informe-t-on au Centre niçois de lutte contre l’addictologie. Ceux qui pestent aujourd’hui contre cette jeune génération qui enchaîne les excès devaient donc connaître un peu le même problème à leur époque.

On dit souvent que les femmes boivent de plus en plus (mais c’est sans doute faux)

Le professeur Michel Reynaud, l’un des précurseurs de l’addictologie en France, affirmait dans Libération en mai 2018 que l’un faits marquants de ces dernières années était l’alcoolisme au féminin : « Entre un quart et un tiers de nos patients sont des femmes. Le plus impressionnant est la banalisation. (…). Il y a une normalisation sociale. Les femmes ont le droit de se saouler, de prendre une cuite. Cela ne choque plus personne », constatait le médecin, l’article titrant même de « fléau sans modération ».

Selon le professeur Michel Reynaud, il y aurait entre 500.000 et 1,5 million buveuses excessives en France, ce qui reste un chiffre préoccupant. Pour autant, la croyance populaire qui commence à s’installer selon laquelle les femmes boiraient de plus en plus ne se traduit pas forcément dans la réalité, comme on nous l’explique encore du côté du Centre niçois de lutte contre l’addictologie : « Est-ce qu’il y a plus de femmes qui consomment de l’alcool aujourd’hui ? On aurait du mal à répondre à cette question. Peut être que les femmes restaient cloitrées chez elles et n’accédaient pas aux soins… Il y a toujours de nouvelles infos et de nouvelles études qui tendent à dire qu’un phénomène est nouveau alors qu’il ne l’est pas tellement, on a juste plus de renseignements sur telle ou telle question. »

Quand on regarde le nombre d’alcoolisation aiguës chez les 20-25 ans (la tranche d’âge la plus concernée), on est sur un ratio de 60% d’hommes et 40% de femmes ayant connu un épisode d’alcoolémie avancée.

Les gens du Nord ne boivent finalement pas tellement (mais les Sudistes ne peuvent pas en dire autant)

Comme beaucoup de croyances basées sur les clichés, la consommation présument élevée d’alcool par les gens du Nord n’est pas une réalité si on se penche sur les études. Selon un rapport rédigé en 2013 par l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation à la santé) que nous avons pu consulter, on boit peu en Picardie, et les ivresses y sont très rares. Dans le détail, il s’agit de la région où l’on boit le moins de vin et le taux de personnes ayant connu un épisode alcoolique aigu dans l’année avoisine les 17%.

Les Bretons ne boivent pas plus que la moyenne, mais ils connaissent plus souvent l’ivresse – 28.4% des gens auraient connu un épisode dans l’année. En PACA,quatre habitants sur dix consomment au moins un verre de vin par jour, ce qui est un des chiffres les plus élevés de France. Le taux de personnes ayant connu une ivresse dans l’année s’élève à 18.6% (contre 5.5% au niveau national). Malgré la nuance qu’il faut apporter aux chiffres alarmistes publiés régulièrement, le problème des Français avec l’alcool reste une préoccupation nationale. L’INSEE estime qu’il est responsable de 49.000 morts par an dans notre pays.