Après les augmentations successives de leurs matières premières, les artisans boulangers à Nice, comme partout dans l’hexagone, font face à la hausse tarifaire de l’énergie. Certains établissements ont déjà tiré la sonnette d’alarme.
Midi. Dans l’arrière-boutique de sa boulangerie, Denis Deperi vient de terminer la première
cuisson de pains de la journée. Il ne rallumera pas son four cet après-midi. Les baguettes,
encore chaudes, tapissent les étals de son commerce. Si sa vitrine n’a pas pris une ride,
notamment sur l’aspect qualitatif de ses produits, les petites affichettes elles, ne cessent de
montrer des prix à la hausse. « En temps normal, nous pouvions réaliser deux voire trois
cuissons dans la journée. Avec le prix de l’électricité, c’est très dur. On cherche à faire des
économies partout. » Ses factures, de plus en plus salées, donnent le tournis. Tous les mois et demi, ce boulanger débourse près de 200€ supplémentaires en électricité. Installé aux abords du quartier de la gare Thiers depuis maintenant onze ans, il assure n’avoir jamais connu une telle situation. « Tout augmente, et sans arrêt. Dans le passé c’était assez fluctuant, mais jamais de façon démesurée. Aujourd’hui, on dirait que toutes nos matières premières sont cotées en bourse », déplore-t-il.
« J’ai coupé le gaz et changé mes équipements »
Pour faire face à cette asphyxie de plus en plus palpable, il a fallu trouver des solutions pour contrer les machines énergivores de l’établissement. « J’ai coupé le gaz et changé mes équipements. Nous avons opté pour des plaques à induction. » Les matières premières font également du mal au chiffre d’affaires du commerce, où la farine est acquise pour 25 centimes supplémentaires. « Rien n’échappe à la règle. La levure, le sel… Et le sucre. Je l’achète 27€ le sac, contre seulement 9€ il y a à peine dix ans. » Et l’effet se répercute directement sur ses produits, notamment sur la fameuse baguette. « Il était impensable de voir un tel produit à 1,10€, ou 1,20€ », scande Denis Deperi. La Confédération des boulangers, a même évoqué un prix susceptible d’avoisiner 1,50€ dans les prochains mois. Une catastrophe économique, source de fermeture certaine pour les plus petites entreprises.
Un bouclier tarifaire mais… de la concurrence
Face à toutes ces difficultés, les grandes surfaces salivent. « Ce week-end, j’ai vu le lot de 10 baguettes, vendu pour un peu plus de 2€, comment survivre ? », se questionne l’artisan. Si l’homme paraît optimiste, il craint la disparition du pain dans son commerce. « À terme, si cela continue, seules les grandes surfaces auront le monopole. Ici, on vit grâce aux tartes fruitées et aux sandwichs. En plus, le quartier de la gare n’est pas le plus aisé. Les consommateurs font attention à chaque euro dépensé. » Sous le bouclier tarifaire* mis en place par l’État, ses factures vont pourtant une nouvelle fois augmenter, à hauteur de 15% au 1er janvier 2023.
*ce bouclier tarifaire s’applique aux entreprises de moins de 10 salariés. Plus de la moitié des boulangeries françaises bénéficient de cette mesure.
Pacôme Bienvenu
*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Lucie Guerra*