Rentrée des classes : comment parler de Samuel Paty aux adolescents ?

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Les collégiennes et collégiens ont retrouvé les salles de classe, deux semaines après l’assassinat de Samuel Paty. © Noémie Guillet

Ce lundi 2 novembre, 12 millions d’élèves ont fait leur rentrée. Un retour à l’école marqué par l’hommage national rendu à Samuel Paty dans tous les établissements scolaires de France. Liberté d’expression, principe de laïcité, terrorisme. Face à des adolescents, les enseignants de collège ont dû trouver les mots justes.

Devant ses 24 élèves de cinquième, l’enseignant fait dérouler les slides colorées de son diaporama qu’il a méticuleusement préparé la veille. « L’idée c’est de rendre ce cours/hommage interactif et dynamique, analyse l’enseignant. Pour nous le plus important est qu’ils comprennent, malgré leur âge ». Professeur d’EPS dans un collège classé REP (Réseau d’Éducation Prioritaire) du Val-d’Oise, Axel Pradels, 23 ans, vit une rentrée de la Toussaint bien particulière.

À la mise en place d’un nouveau protocole sanitaire vient s’ajouter l’hommage national réservé à Samuel Paty, l’enseignant décapité le 16 octobre dernier à Conflans-Sainte-Honorine. « Avec plusieurs collègues on a décidé d’agencer les tables de la classe en forme de U, afin d’amorcer un réel débat entre élèves et professeurs », décrit Axel. Le débat. Le leitmotiv de cette journée pour toutes celles et ceux à qui revenait ce matin la lourde tâche d’évoquer des notions essentielles à l’éducation, comme la laïcité ou la liberté d’expression. Dans cette classe du collège Gérard Philipe de Cergy, il a notamment été question de terrorisme, de fanatisme et d’intégrisme. Là encore, mieux vaut adopter le dialogue et l’échange que le péremptoire.

« La lettre de Jean Jaurès ? J’ai décidé de ne pas la lire »

Dans un courrier adressé aux enseignants, le ministre de l’Éducation Nationale Jean-Michel Blanquer a exigé « la lecture de la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs », après la minute de silence dédiée à la mémoire de Samuel Paty. La lecture de cette dite-lettre a fait émergé doutes, surprise et incompréhension au sein d’une grande partie du corps enseignant. « Comment peut-on imaginer qu’un adolescent va être sensible à cette lettre et la comprendre ? », s’interroge Fabienne Langoureau, secrétaire générale du SNES-FSU* des Alpes-Maritimes. Et même si au travers de ses mots, le message de Jaurès s’inscrit parfaitement dans la triste actualité, cette volonté ministérielle a du mal à passer. « Personnellement, j’ai décidé de ne pas la lire. J’estime que cette lettre est bien trop complexe pour des jeunes élèves, surtout pour des élèves de REP. J’ai décidé de leur expliquer les choses autrement », assume Axel avec conviction.

Autre difficulté de la matinée : aborder en deux heures, parfois en une seule, les valeurs de l’école républicaine en lien avec l’attaque terroriste perpétrée sur Samuel Paty, aux abords du collège des Yvelines. « Nous souhaitions obtenir plus de temps pour en discuter, savoir comment prendre nos élèves en classe après tout ça, comment leur en parler. Et ce temps nous a été volé », constate Fabienne Langoureau avec amertume. Un manque de temps criant pour les uns, un abandon du gouvernement pour les autres, cette rentrée de novembre 2020 est à l’image de cette année, bien différente des autres.

*Syndicat National des Enseignements de Second Degré – Fédération Syndicale Unitaire