« Une solution globale à impact local »

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Sarah Ripoche est la directrice de We are not Weapons Of War. Crédit : WWOW

Eliminer les violences sexuelles dans les conflits, lutter contre l’impunité et redonner un pouvoir d’action aux victimes … tels sont les objectifs majeurs de l’ONG « We are not weapons of War (WWoW) ». L’organisation a été crée en 2014 sous l’impulsion de Céline Bardet, juriste internationale spécialisée dans les crimes de guerre. En avril, l’ONG lancera le « Back Up », un outil technologique d’alerte et d’assistance pour les victimes de viol de guerre dans le monde. Sarah Ripoche, juriste et directrice de WWoW a rejoint l’organisation dès son lancement. Elle est maintenant en charge du développement de l’application.

Pouvez-vous expliquer le fonctionnement de l’application « Back up » ?

C’est un outil pensé pour répondre à trois enjeux majeurs du viol de guerre : les difficultés que les victimes ou les témoins ont à signaler des violences et d’accéder aux soins, le manque de coordination entre les professionnels et le manque de données fiables sur le phénomène. L’application va permettre à l’utilisateur que ce soit une victime ou un tiers de signaler des exactions. Les informations seront récupérées et stockées sur un serveur protégé. Il s’agit ensuite d’identifier le service nécessaire et le relier au réseau local. Toutes les informations récupérées vont être analysées, triées. Certaines pourront être conservées et authentifiées comme éléments pour la conduite de procès.

Au préalable, quel travail a-t-il été réalisé ?

Céline Bardet est juriste internationale et spécialisée dans les crimes de guerre. Elle a passé plus de quinze années sur le terrain. Elle a pu s’apercevoir des manques et des besoins. Sa réflexion s’est construite en parlant avec des victimes, des activistes, d’autres juristes ou encore des journalistes. Céline Bardet voulait savoir comment peut-on combler ces manques ? Comment aider une victime à des milliers de kilomètres ? Comment apporter des soins à une victime qui ne veut pas forcément aller voir un médecin ou se déplacer ? Elle s’est demandé quelles solutions on pouvait apporter à ça : agir de manière globale grâce aux nouvelles technologies et avoir un impact local. Le BACK UP c’est ça, une solution globale à impact local.

Comment parvenez-vous à prévenir les potentielles victimes de l’existence de cet outil ?

Tout le monde n’a peut-être pas un smartphone, mais il y en a toujours au moins un dans la communauté ou dans une famille. On essaye de développer l’application sur le plus de plateformes possibles, c’est-à-dire pas uniquement sur Samsung ou IPhone mais également sur des Nokia type 3310. On a identifié 4 pays pilotes où on voudrait aller montrer le prototype. On voudrait commencer à le faire tester, le mettre dans les mains de victimes ou d’anciennes victimes et également des gens qui travaillent sur place. On veut voir ce qui fonctionne et aussi ce qui ne fonctionne pas. Notre plus grand défi, c’est la barrière de la langue. Il y a certaines personnes qui ne savent pas lire donc on essaye au maximum de fonctionner avec des icônes. C’est un gros travail de communication et de sensibilisation. On veut faire de vraies campagnes avec des ONG présentes sur le terrain, tout en communiquant avec les institutions sur place pour leur dire que l’outil existe.

Comment intervenir auprès des victimes ?

Un vrai réseau local existe déjà en partenariat avec d’autres ONG. On veut renverser le schéma de pensée. On ne veut pas dire à la personne : « Merci, on a ton signalement, il faut que tu ailles voir telle ou telle personne ». On veut davantage les accompagner en leur disant : « Nous on connaît des médecins et on sait qu’il y a une permanence juridique, vous pouvez y aller ». C’est mettre à disposition tous ces services pour que la personne qui fait le signalement sache qu’ils existent. La victime peut se faire entendre quand elle en a envie et qu’elle se sent prête. On ne veut pas imposer un processus. On doit se tenir prêt et à disposition des besoins des victimes.

Manon François