« À l’Ouest, rien de nouveau » : comment le nouveau film de Netflix nous rappelle les leçons tirées de l’armistice

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"À l'Ouest, rien de nouveau" utilise des faits historiques pour nous questionner sur les crises contemporaines de notre monde © Netflix

Alors que des millions de personnes regardent le nouveau drame de guerre Netflix, All Quiet on the Western Front (À l’Ouest, rien de nouveau) ils sont amenés à réfléchir sur un sujet difficile : la quantification de la vie humaine. Attention, (gros) spoilers.

105 ans après la déclaration de l’armistice, l’adaptation à l’écran par Netflix du roman éponyme d’Erich Maria Remarque datant de 1928 n’aurait pas pu sortir à un moment plus opportun. Alors que des millions de personnes dans le monde regardent cette réinterprétation des scènes brutales qui se sont déroulées il y a un siècle sur le front occidental de la Première Guerre mondiale, ils sont obligés de considérer les scènes toutes aussi brutales qui se déroulent sur le front oriental d’aujourd’hui : le Donbass.

Le film commence avec une scène de guerre où le jeune Heinrich est tué par des balles françaises. On montre ensuite au public le processus que traverse la fatigue militaire d’Heinrich. Après sa mort, son costume de militaire est retourné en Allemagne et est lavé, recousu et réutilisé pour le prochain jeune soldat en ligne à devoir servir son pays : Paul, notre protagoniste. Accompagné par trois de ses amis, Paul est pris de frénésie avec des promesses « d’arriver à Paris dans deux semaines » et se dirige vers les tranchées, étourdi d’excitation, sans aucune idée de la tragédie qui l’attend.

Horreurs et inégalités

Un par un, ses amis tombent, et Paul se retrouve coincé dans sa solitude. Alors que le protagoniste souffre des inondations et des tranchées infestées par des rats, le film coupe constamment sur des scènes des dirigeants français et allemands pendant qu’ils envisagent un armistice. La dichotomie entre les deux scènes est stupéfiante. Les spectateurs passent de la maladie, de la pourriture et du désespoir aux scènes de l’opulence, des vins et des pâtisseries fraîchement préparées.

Vers la fin du film, un soldat allemand hurle de joie : « Les gros cochons ont enfin compris. Ils ont négocié. Nous rentrons chez nous. » En effet, à cinq heures du matin ce jour-là, les délégations allemandes et françaises se sont rassemblées et ont signé la déclaration d’armistice. Pourtant, la promulgation du cessez-le-feu ne devait avoir lieu qu’à 11 heures ce jour-là.

Un parallèle évident avec notre époque

À cet instant, Paul est le seul qui reste encore vivant parmi ses amis. Maintenant commence une course contre le temps, alors que les généraux allemands décident d’avancer une dernière fois avant le cessez-le-feu. Quelques secondes avant que la fin de la guerre ne soit annoncée, notre Paul est poignardé par une baïonnette.

Alors que l’audience est assise avec l’horreur de cette scène qui se déroule devant elle, le film présente quand même une occasion unique de valoriser la vie humaine. Surtout celle d’un soldat dont le but supposé, comme convenu par l’histoire et la société, est de mourir pour une certaine cause. Les téléspectateurs se rendent compte que dans le prolongement de la guerre qui a duré de 5 heures du matin à 11 heures, 3 000 soldats de plus étaient morts. Morts pour des terres dont la propriété avait déjà été décidée politiquement. Un prolongement qui n’a servi à rien d’autre qu’à un fait poétique, terminant la guerre à la « onzième heure du onzième jour du onzième mois ».

Aujourd’hui plus que jamais, les leçons tirées de ces six heures supplémentaires et de ces 3 000 décès additionnels ne doivent pas être ignorées. Selon les services de renseignement américains et les représentants militaires ukrainiens, la Russie perd 500 jeunes hommes par jour et l’Ukraine en perd 200.

Voilà la question ultime posée par le film : quand est-ce que nos propres gouvernements vont comprendre ? Le message laissé par cette production Netflix est clair.

Hekmat Aboukhater

*Ce travail a fait l’objet d’une vérification juridique et éditoriale par Adrien Roche*