À Nice, l’accent se perd et lou nissart se fait rare

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En Provence-Alpes-Côte d’Azur, 62 % des Français disent perdre leur accent régional selon l’application Preply. L’accent niçois et sa langue disparaissent progressivement, faute de transmission. Elle tente de survivre par les chants, les traditions et la parole de quelques anciens.

Le Niçois elle « [je] n’y connais rien. » C’est la réponse donnée par une dame âgée, originaire de la ville. Même constat auprès de cinq autres retraités : « Désolé, je ne parle pas le nissart. », « Je ne peux rien vous dire. », « Je ne connais personne dans mon entourage qui parle cette langue »… Ce matin, sur la Promenade du Paillon, on peut dire que la langue locale et son accent se font rares. 

L’accent disparaît faute de transmission

Selon une étude, publiée le 24 octobre, de la plateforme d’apprentissage des langues Preply, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 62 % des Français constatent une disparition de leur accent régional. 

C’est ce qu’affirme Cristoù d’Aurore, professeur d’occitan à Nice depuis près de 30 ans et créateur du Nissart (monnaie locale) : « La transmission familiale semble rompue et la transmission en milieu scolaire est très difficile à mettre en place. Nous avons perdu beaucoup d’élèves dans les lycées, à cause de la réforme Blanquer qui a largement réduit l’importance des langues régionales pour l’obtention du baccalauréat ». 

Devant le lycée Masséna, sur certains campus universitaires ou l’avenue Jean Médecin, c’est silence radio. Petite exception : Julie (pseudonyme) confie, sans détour, « Je m’en fous un peu ».

« Tout se faisait en niçois » 

En s’enfonçant dans les ruelles du Vieux-Nice, face à l’ancienne boutique Maison Bestagno, se trouve Claude. Né à Nice, il a grandi dans une famille qui parlait le nissart. « Tout se faisait en niçois : discussions, plaisanteries, histoires. C’était une langue joyeuse, chantante, pleine d’humour. Autrefois, les personnes âgées descendaient dans la rue avec leurs chaises et parlaient entre elles.» Les plus jeunes, en les écoutant, « apprenaient naturellement quelques mots et finissaient par comprendre et parler à leur tour. C’est ainsi que la langue se transmettait ». 

Une évolution qui s’est faite naturellement 

Claude voyait encore ces scènes il y a une vingtaine d’années, « surtout dans des endroits comme la descente du Rossetti, mais aussi dans d’autres quartiers : la Madeleine, la Bornala… Puis, peu à peu, tout cela a disparu. » Avec la rénovation du Vieux-Nice et la destruction de quartiers comme celui de Saint-François, « beaucoup de familles niçoises sont parties vers d’autres zones comme l’Ariane. Les “vrais” Niçois se sont faits rares, et avec eux, l’accent et la langue se sont perdus », explique-t-il. 

« Pour faire revivre une langue, il faut la parler »

Pour lui, on a voulu réintroduire le niçois à l’école, mais souvent de manière trop académique. « Pour faire revivre une langue, il faut la parler simplement, sans vocabulaire compliqué ». Il espère qu’elle continuera à vivre à travers les chansons, les traditions et le carnaval. Il se souvient des mots Pantin ou Cagades : « Quand ma tante disait des cagades en niçois, c’était extraordinaire, on riait aux larmes. » Il ajoute qu’ « on peut encore entendre La Miéu Bella Nissa chanté par quelques personnes. » Mais par manque de pratique, il oublie peu à peu la langue de ses parents.

Léna de Quillacq

©Léna de Quillacq / Claude : « L’accent niçois je le tiens de ma famille »