Qu’est-ce-que le wokisme, terme politique de l’année 2021 ?

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La candidate à la primaire d'EELV Sandrine Rousseau au coeur de la polémique politique sur le wokisme. @Wikimedia Commons

« Woke ». Ce mot apparaît de plus en plus souvent dans les discours politiques. Mais quelle réalité et quels enjeux se cachent derrière ce concept encore obscure pour une majorité de Français.

Candidate à la primaire de l’écologie, l’économiste Sandrine Rousseau a été qualifiée de « woke » par plusieurs médias tels que Marianne ou le Figaro. Ses homologues de droite Xavier Bertrand et Valérie Pécresse n’hésitent pas à user de ce concept pour décrier une vision de la société contraire à leurs valeurs. Mais que se cache-t-il derrière ce terme si utilisé que son absence notable des nouveaux dictionnaires surprend ? Parmi eux, Le Petit Robert. Il a été critiqué pour avoir inclus le nouveau pronom iel…un terme jugé woke par les milieux conservateurs mais pas que !

Un peu de terminologie et d’histoire

« Woke » n’est pas encore dans les nouveaux dictionnaires… mais ça ne saurait tarder @PxHere

Les plus anglophones d’entre vous l’auront compris, le terme « woke » provient du verbe anglais wake (réveiller) et de l’adjectif awake (éveillé). L’origine semble remonter aux années 1960, aux Etats-Unis. Selon le professeur Pap Ndiaye, spécialisé dans l’histoire américaine, Martin Luther King aurait déclaré « stay awake » (restez éveillés) lors de son discours à l’Université d’Oberlin. Mais à l’époque, le mouvement de référence reste le « cool », calme et pacifique face aux oppressions.

La première utilisation connue du terme woke remonterait à 2008. Le tube Master Teacher de la chanteuse soul Erykah Badu exprime un certain ressentiment vis à vis des discriminations subies par la population noire américaine. Les paroles sont sans équivoque: « What if it were no niggas, only master teachers. I stay woke » (« et si ce n’était pas des noirs, simplement des professeurs. Je reste éveillée« ).

Le mot woke prend de plus en plus d’ampleur au cours des années 2010. Pour les militants progressistes, il représente l’éveil face aux injustices sociales, raciales et aux différentes discriminations. Pour leurs opposants en revanche, le wokisme (mouvement dérivé du mot woke) correspond à l’expression finale de la bien-pensance. L’ancien président américain Barack Obama avait notamment exprimé sa désapprobation: « L’idée de pureté, de n’être jamais compromis et d’être toujours politiquement ‘woke’, tous ces trucs, vous devriez en finir vite avec ça. Le monde est compliqué, il y a des ambiguïtés. Des gens qui font de très bonnes choses ont des défauts. Des gens avec qui vous vous battez peuvent aimer leurs enfants et même, vous savez, partager certaines choses avec vous. »

Un terme qui divise la classe politique française

OECD Forum 2018 - Session: Reskilling: How Difficult Is It… | Flickr
Pour le ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, le wokisme s’apparenterait à de l’obscurantisme. @Flickr

Le concept woke fait son apparition en France par le biais du sociologue canadien Matthieu Bock-Côté. L’un de ses livres est d’ailleurs consacré à cette thématique, La révolution racialiste et autres virus idéologiques, où il fustige une frange de la gauche coupable de s’être soumise selon lui au wokisme. Si le Québécois s’apparente au mouvement libéral-conservateur, la droite et l’extrême droite française ne s’interdisent pas de reprendre ses thèses.

Mais même hors des courants de la droite traditionnelle, la désaffection pour le wokisme se propage. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer dénigre cette idéologie qu’il compare à une forme d’obscurantisme. Même la candidate socialiste Anne Hidalgo annonce « ne pas vouloir faire campagne sur le thème du wokisme » . Finalement, seule une personnalité politique assume se revendiquer de ce mouvement : Sandrine Rousseau. Si l’ancienne conseillère régionale a perdu la primaire de l’Ecologie, ses idées anti-racistes et féministes radicales pourraient bien continuer d’occuper le débat politique.

* Ce travail a fait l’objet d’une double vérification juridique et éditoriale par Léna Peguet et Lily Grivault *

Hugo Romani