Je me suis déconnecté, j’ai mis mon téléphone de côté

0
279
Selon Radio France, à deux ans, un enfant français passe en moyenne 56 minutes par jour devant un écran. (© Quentin Haton)

Dans notre ère numérique, où les smartphones sont devenus une extension de nous-mêmes, s’en passer une journée entière semble difficile. Curieux de découvrir comment cela affecterait mon quotidien, j’ai décidé de tester pour vous 48 heures sans téléphone, ni Internet.

Mercredi 6 décembre. 9 heures. Le réveil de mon téléphone sonne. Je le désactive, efface les notifications et coupe toute connexion Internet. C’est la dernière fois que je touche mon portable de la journée. Le défi commence. Rapidement, mes habitudes matinales changent. Pas de radio, de vidéo ni de télé pour me tenir informé de l’actualité du jour. Si je veux satisfaire ma curiosité, je dois sortir acheter le journal. Mais je n’ai pas le temps ce matin. D’ailleurs, il faut surveiller la météo du jour. Aujourd’hui, un simple coup d’œil par la fenêtre et une main tendue dehors pour ressentir la température suffisent. Le temps presse, j’ai rendez-vous à 10 heures à l’école pour travailler avec des camarades. Cependant, je n’ai ni montre, ni horloge chez moi. Tant pis, je connais ma routine, et elle est largement réduite en raison de cette expérience. Mais alors que je m’apprête à me rendre aux toilettes, je saisis par réflexe mon téléphone. Je me rends compte de la bêtise et le repose immédiatement. J’étais tout proche du premier faux pas de la journée. Pas de cours ce matin, et fort heureusement, car mon emploi du temps est accessible uniquement sur Google Agenda. Je vais devoir demander les horaires des cours de cet après-midi à mes camarades. Je passe la matinée à faire du montage et à réviser pour un contrôle. Sans accès à Internet, je ne peux pas effectuer de recherches, alors je me fie à celles de mes collègues.

Les premières difficultés

11h30, c’est l’heure de la pause-déjeuner. Tous les midis, je me rends au Restaurant Universitaire. Étant boursier, le repas ne me coûte qu’un euro. Pour bénéficier de ce tarif avantageux, j’utilise l’application Izly. Mais sans mon téléphone, impossible d’en profiter. J’ai dû demander à une amie de me payer le repas. Il m’a donc coûté 3,30 € au lieu de 1 € ! À la sortie des cours, j’ai quelques petites courses à faire. Ayant pour habitude d’utiliser Apple Pay, je ne sors plus du tout avec ma carte bancaire. Heureusement, j’ai pensé à la prendre ce matin. Et au programme de cette première soirée, l’Olympico chez un ami. Je suis bien occupé donc je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Avant de me coucher, j’ai l’habitude de lire l’Équipe. Et si je ne trouve pas le sommeil, je lance une vidéo YouTube. Rien de tout ça n’est possible ce soir. J’ai dû me rabattre sur un livre trouvé au fond de mon placard. N’ayant pas de radio réveil et pour éviter de manquer les cours le lendemain, j’utilise un joker. Je mets une alarme sur mon téléphone.

WhatsApp’ening ?

Jeudi. Le réveil sonne. Même configuration que la veille : pas d’actualités, pas de sport, ni de musique. Je passe à côté de différentes informations. Les modalités d’un cours ont été partagées sur le groupe WhatsApp de la classe. C’est un camarade de promotion qui m’en informe à mon arrivée à l’école. Puis en cours de web, le professeur a mis en place un exercice dont le support était cette application. Heureusement, le travail est en groupe. Pour couronner le tout, le professeur de presse écrite a partagé des exemples de « j’ai testé pour vous », sur le groupe WhatsApp. L’après-midi, un créneau vide se dessine dans mon emploi du temps. J’ai envie de me rendre chez le coiffeur. Mais l’idée s’est vite dissipée. En effet, la prise de rendez-vous se fait exclusivement sur Internet. La deuxième soirée s’est avérée assez ennuyeuse. Mon repas a été bien silencieux sans le son de la télévision et des chaînes d’informations. Pour la première fois, j’ai envie d’utiliser mon téléphone ou de surfer sur Internet. Pour vaincre l’ennui, je me suis mis à grignoter.

Ouverture d’esprit

Pendant ces deux jours, j’ai pris conscience que le numérique rythme mon quotidien. Rien que dans le cadre de mes études, ce support est devenu indispensable. Tout le monde est connecté et absorbé par son téléphone. J’étais souvent le seul à ne pas avoir mon portable en main. Un aspect positif est que j’avais chargé mon téléphone à 100 % avant le début des 48 heures, et je n’ai pas eu besoin de le recharger. Habituellement, lorsque je l’utilise, je le mets en charge au moins deux fois par jour. En prenant du recul, cette expérience me permet d’ouvrir les yeux sur plusieurs aspects. J’ai pu remettre en question l’utilité de certaines choses, comme la montre. Je n’en ai pas. Sans mon téléphone, je n’avais jamais accès à l’heure. Ainsi, je constate que la montre n’est plus qu’un simple accessoire de mode. Je me suis également interrogé sur la possibilité de refaire une telle expérience dans 15-20 ans. Je pense que cela serait bien plus difficile qu’aujourd’hui, car la société continue de se dématérialiser toujours davantage.

Quentin HATON