Billet – Vincit Omnia Veritas

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Respecté, adulé, critiqué, bafoué, le journalisme est aujourd’hui à une période charnière de son existence. Longtemps instrument de transmission du savoir, il est en partie aujourd’hui source de méfiance et de défiance. Ironie du sort, il en est l’un des responsables.

Rude année encore que celle qui s’achève pour le journalisme. Si ce dernier était un humain, nul doute qu’il finirait l’an 2019 sur les rotules, marqué par les stigmates des polémiques, des réseaux sociaux et du contexte social de notre société. La profession souffre et ironiquement, elle croisera à nouveau le chemin de l’un de ses bourreaux, dans quelques semaines : le mouvement des gilets jaunes. Nul besoin de prendre position pour reconnaître que le journalisme n’a sûrement pas écrit ses plus belles lettres de noblesse durant cette période. Mais, à sa décharge, il a été trop chahuté, remis en question, violenté même par le biais de ses humbles serviteurs. Pis, ses valeurs ont souvent été dénigrées, raccrochées bêtement à des considérations obscures.

La révolution numérique à travers les réseaux sociaux, mis en lumière par les fake news, ont réduit les médias et notamment la presse écrite à petit feux. Alors, le seul moyen de se sortir de ce marasme ambiant, est de réagir vite, très vite. Le journalisme de l’immédiateté, de l’instantanéité comme réponse à cette omniprésence du 2.0, n’a guère servi sa cause. Et la récente affaire Xavier Dupont de Ligonnès (XDDL) nous est revenue en pleine figure tel un boomerang. Récemment, j’ai entendu une curieuse notion expliquant la relation entre le journaliste et l’autrui, celle des « 3L » : on lèche, ensuite on lâche puis on lynche. Si dans un premier temps, cela m’a fait sourire, en m’y penchant de plus près, il me semble que l’on peut l’associer aux rapports entre le journalisme et la société. Tout le monde est content lorsqu’une information, qu’importe sa nature, sort dans la presse, mais dès qu’il faut « passer à la caisse » et acheter l’article ou un journal, le monde s’offusque. Non, tout ne doit pas être gratuit, le journalisme est une passion avant tout, mais c’est aussi un métier qui doit faire vivre décemment.

Ah oui, j’oubliais, le troisième « L », on lynche. Sans vouloir m’acharner dessus, le mouvement des gilets jaunes a cristallisé cette (dé/mé)fiance envers la profession. Et encore une fois, qu’importe la position sur le sujet, à partir du seul moment où le ton ou l’angle d’un papier écrit, radio ou d’un reportage ne correspond pas à une idéologie précise, alors c’est à jeter dans le caniveau. Estimons-nous heureux, dans notre pays, de pouvoir jouir de cette liberté et de cette accessibilité vis-à-vis de l’information. Un peu plus tôt dans l’article, j’estimais que le journalisme était en partie responsable de son « état de santé ». Il a certes des circonstances atténuantes, mais doit mieux considérer son environnement. Comment peut-on expliquer que Éric Zemmour puisse toujours écumer les plateaux de télévision par exemple ? Ou comment Julie Graziani ou Zineb El Rhazoui, récemment, puissent tenir de tels propos en direct ? Il est compréhensible alors qu’une méfiance, vis-à-vis de certains discours entendus sur les plateaux de radio/télévision, survienne. Quelle légitimité puisse-je accorder à ces médias ? L’affaire XDDL sortie dans les médias il y a quelques semaines a entaché la crédibilité de la profession et ce, malgré les nombreuses précautions prises.

Mais détrompez-vous, je ne serai pas l’un des bourreaux du journalisme. Je milite cependant pour une meilleure approche et compréhension de cette profession envers la population. J’ai foi en celui-ci et en ses serviteurs qui sont, pour l’extrême majorité, de grands professionnels. Écoutez par exemple le podcast de Sarah Ghibaudo intitulé « 13 novembre » sur France Inter et vous verrez l’oeuvre de quelqu’un de passionné. Regardez un reportage de Michel Izard sur TF1, lisez un papier de Vincent Duluc post Coupe du Monde dans l’Équipe, et dites moi encore que c’est un travail bâclé, un travail de « journalopes ». Alors, parce que je me refuse à cette dichotomie entre journalisme et société, je vous demande de prendre le temps nécessaire pour écouter, regarder, lire, apprécier. Parce qu’il n’y a rien de plus beau que d’apprendre chaque jour une nouvelle chose et de profiter de cette liberté d’information ad vitam æternam.