Réseaux sociaux ou IA : cette drague 2.0 ne charme pas les futurs médecins niçois

0
9
©Estelle Solari / L’IA conversationnelle ChatGPT propose une option « séducteur 2.0 ».

Applications, réseaux sociaux et maintenant, IA « séductrices », la quête d’amour semble toujours plus numérique chez les jeunes. Pourtant, ces « lovers 2.0 » sont rares parmi les étudiants de la faculté de médecine de Nice. Trouver l’âme sœur sur les réseaux ? Un parcours entre utopie et arnaque, reflet de cette génération déconnectée.

Imaginez-vous rencontrer quelqu’un, une fille superbe, sauf que voilà… Vous ne savez pas draguer. Paniqué, vous appelez votre ami le plus proche. Normal ? Oui. Sauf si votre ami… c’est ChatGPT. En 2025, France Info révèle que la drague assistée par IA se répand chez les jeunes Français. Un gadget de plus pour nos Don Juan de la Tech, alors que les 18-25 ans dialoguent toujours plus sur les réseaux sociaux. Célia Velon, étudiante à la faculté de médecine de Nice préfère en rire qu’en pleurer. « J’ai un copain, mais je testerai peut-être. Juste pour la blague, histoire de plaisanter. »

Un outil à double-tranchant

Draguer sur les réseaux sociaux grâce à l’IA ? Pas si mal. « Certains pour les fautes d’orthographe, un sacré tue-l’amour! Les timides maladifs y voient un secours. Il suffit de bien l’utiliser. De nouveaux horizons se dégagent : il n’y a plus de limites géographiques notamment ». Et ce n’est pas Aurélia Obadia qui dira le contraire. En dernière année d’études, la future orthophoniste a connu son mari grâce à Tinder et Instagram. Après discussions, les rendez-vous s’enchaînent, mais elle n’est pas
convaincue et l’ignore un temps. « Par chance, on s’est rendu compte qu’on avait le même cercle d’amis. Il a fini par me demander en amie sur Instagram et on ne s’est plus quittés. Les réseaux ont maintenu notre relation, mais sans ce contact réel, je n’aurais pas continué. »

Quand l’écran bleu ne brise pas la glace

Elina Marty rejoint la troupe d’un pas pressé. Tout juste sortie de “ l’amphi 2 ”, elle a les yeux rivés sur son écran. À 22 ans, la future généraliste confie avoir “ elle aussi, déjà entamé une relation sur Instagram. Après une réponse en story, en DM.” Moins chanceuse que son amie, le premier rendez-vous est une déception : l’homme en face d’elle lui est inconnu. La Niçoise s’accroche à l’espoir mais « c’est ce décalage entre SMS et réalité qui m’a déplu. L’écart était tolérable au début de la relation, mais en avançant, il s’est agrandi. Impossible d’en faire abstraction. » Aujourd’hui célibataire, Elina a désinstallé toutes les applications de rencontre et saisit les opportunités de la vie. « Si nos parents ont trouvé l’amour comme ça, pourquoi pas moi ! Les méthodes classiques sont souvent les meilleures. »

Après l’écran, la vraie vie : une étape qui minimise les risques

Discuter ? C’est fait. Maintenant, place à la rencontre et celle-ci est bien réelle. Fini l’artifice et les phrases toutes faites, les rêveurs se mettent à nu. Agréable surprise ou déception, « Franchement, si la personne a triché, on le sait tout de suite et on s’en remet. C’est dommage pour ceux qui utilisent l’IA, mais il n’y a pas de conséquences graves », estime Célia. Aurélia Obadia, jusqu’ici d’accord cesse d’hocher la tête. « Si la duperie ne va pas plus loin, c’est ok mais les pédophiles sont là . J’ai peur que l’IA leur serve : les jeunes l’utilisent pour reformuler leurs propos par rapport au profil. Un vieux détraqué peut donc demander à l’IA de formuler des réponses « de jeune » et tromper facilement sa victime ». Une inquiétude qu’aucune statistique ne peut pour l’instant prouver ni démentir.

Une utilisation malsaine et dangereuse

Les vraies victimes ne sont pas les dupés, mais les dupeurs. Célia en est convaincue. « La personne qui utilise ChatGPT y trouve du réconfort. Elle le fait parce qu’elle n’a pas confiance mais ça peut vite devenir malsain. Sans IA, le tricheur se trouvera encore plus nul en comparaison. » En 2024, l’institut YouGov révélait son baromètre de la santé mentale en ligne : pour 46% des 18-24 ans, les réseaux sociaux nuisent à leur santé mentale (perte d’estime de soi et anxiété). « ChatGPT ou les réseaux sont des outils de retouche au même titre que les filtres Snapchat ou Photoshop. Le problème, c’est qu’avant, on l’utilisait pour rire. Aujourd’hui ce sont des jeunes de 10-12 ans qui se sentent obligés de mentir pour être acceptés. »

Une génération connectée, déconnectée d’elle-même

Elina désespère. Son petit-frère a connu le harcèlement et pour lui, « impossible de faire un pas vers l’autre dans la vraie vie : tout passe par le numérique. Relation amoureuse ou amicale, il ne sait pas faire autrement. » Un cas loin d’être isolé car les 18-25 ans lui paraissent « enfermés, piégés sur eux-mêmes à cause des réseaux. Les attentes de la société n’ont pas trop changé, mais en étant inondés de vidéos d’influenceurs, la comparaison est inévitable et désavantageuse. » Ironie du sort pour cette
étudiante : “ Les réseaux sociaux associabilisent plus qu’autre chose”. Et si Elina prend du recul grâce à son entourage, beaucoup n’ont pas la chance d’être accompagnés.

SOS d’un amour en détresse

Parler sur Facebook ? C’est oui. L’IA ? C’est non. À l’aube de ses 27 ans, Aurélia Obadia a vu grandir cette génération connectée et « leur quête sentimentale fait l’effet d’un amour jetable. » Rien d’étonnant, mais cette désacralisation de la romance l’agace. « Le romantisme se perd. Ce qui est beau, c’est d’avoir peur avant le premier pas, mais d’y aller quand même. Là, il n’y a pas cet engagement. » Mais Elina, elle, rêve toujours du prince charmant.

Estelle Solari