À Nice, les plus âgés ont longtemps formé le coeur solide de la participation électorale. Mais à l’approche des municipales de 2026, une question s’installe : les séniors niçois, ultime rempart ou génération fatiguée ?
À Nice, tout commence toujours par une attente. L’attente que le tram traverse Garibaldi, l’attente que la ville se décide, l’attente que les élections municipales de mars 2026 donnent enfin un sens à cette rivalité devenue presque un décor. Estrosi d’un côté, Ciotti de l’autre. Mais surtout l’attente qui révèlera si la mobilisation des anciens est toujours là, fidèle et solide, comme elle l’a été pendant des décennies. Car dans cette ville qui a vu défiler tant de campagnes, les plus âgés demeurent les spectateurs attentifs. Et parfois inquiets de la vie politique. Mais aujourd’hui, une question sourde taraude : est-ce que les vieux votent encore ?
Dominique Catalano, 69 ans, ne se pose pas de question : « Moi, je vote depuis mes 18 ans. On nous disait que c’était un devoir, pas une option. Aujourd’hui, je continue. Mais je ne sais pas si tous mes voisins le font encore… Certains semblent s’éteindre avec le temps, fatigués ou désabusés. » Elle ponctue sa phrase d’un soupir long, comme si chaque élection pesait un peu plus sur ses épaules. « On nous a appris à choisir, à décider. Alors quand je vois certains de mon âge rester chez eux… ça me fait peur. » Autour d’elle, Garibaldi vit sa vie de quartier. Les livreurs se pressent, les passants filent vers le Vieux-Nice. Mais la question des urnes plane. Car la campagne Estrosi-Ciotti, déjà lancée, agit comme un révélateur : deux visions pour la ville, deux discours qui s’opposent, et un électorat vieillissant qui pourrait bien décider de l’issue. S’il se déplace.
« Si nous renonçons, qui portera la mémoire ? »
Christiane Béranger, 81 ans, ajuste son blouson et regarde droit dans les yeux : « Vous savez, moi j’ai fait Mai 68. On se battait pour le droit de parler, de choisir, de déranger. Aujourd’hui, parmi les gens de mon âge, je vois beaucoup de lassitude. On vote moins, on s’engage moins… Et ça m’inquiète. Parce que si nous, les vieux, nous renonçons, qui portera la mémoire de notre ville ? » Elle rit, mais un rire teinté d’inquiétude. « Voter, ce n’est pas un privilège, c’est une responsabilité. Même à notre âge. Même quand on a l’impression que rien ne changera. » Viviane Vazquez, 65 ans, observe ce constat avec nuance : « La fatigue, la santé, la peur du futur… Tout ça pèse. Mais moi je ne vote plus, à quoi bon, on ne choisit plus vraiment. »

Dominique parle de responsabilité. Christiane parle de mémoire. Viviane parle d’avenir. Et la place Garibaldi devient ce qu’elle a toujours été : une agora où les générations se confrontent, s’émeuvent, se questionnent. Alors, à l’approche de mars 2026, derrière le duel des coqs, une autre question se pose avec urgence : dans cette ville de contrastes, est-ce que les vieux voteront encore ? Jusqu’où leur vote pourra-t-il peser dans un paysage où les jeunes semblent parfois avoir déserté les urnes ?
Sandy Dumas



