Rue Cassini : passer de l’agréable au désagréable

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La rue Cassini en pleine journée. Crédits : J.A

La place Garibaldi à une extrémité, le port de l’autre. Il est 10h30 et le soleil divise la rue Cassini. Les passants qui la traversent ont tous un point en commun, aucun n’adresse la moindre attention aux commerçants, plus le port se rapproche, plus l’envie de continuer disparaît.

« J’adore travailler ici, c’est toujours calme, les clients aiment la localisation, ils ont tout à côté », explique Karina Alieva, réceptionniste à l’hôtel Le Genève. Desservi par sept lignes de bus, l’emplacement de l’arrêt est idéal, à quelques mètres de celui du tramway.  Les balcons fleuris de part et d’autre et les nuances d’orange sur les façades embellissent la rue et apportent un aspect exotique. Une décoration de Noël suspendu, éteinte, rappelle l’ambiance et la gaieté des fêtes. Un magasin bio se distingue sur la droite. Son esthétique propre et chaleureuse apaise. A peine plus loin sur la gauche se tient un restaurant chinois. Une délicieuse odeur sort de ce « Wokshop », reflétant les couleurs de l’Asie. Lucile sort de l’auto-école en face du tabac et raconte : « Je fais ma conduite ici, comme ça quand je finis les cours c’est rapide pour rentrer chez moi. Il y a toujours un bus qui passe. Et si je ne rentre pas chez moi, j’ai le Vieux Nice pas loin ». Sur le rebord de droite, peu avant la pharmacie, un barbier est sur le point d’ouvrir ses portes. Du moins c’est ce qu’indique le prospectus sur la vitrine.

Le charme a disparu

Un peu plus loin, toujours sur le même trottoir, un antiquaire installé depuis 18 ans ferme son commerce. Gilles Roques dénonce « la crise » et l’insensibilité des passants vis-à-vis des vieilles professions. « Cela fait deux ans que mon chiffre d’affaires est en baisse, explique-t-il, un jour je me suis mis devant mon magasin et pendant une heure j’ai compté les passants. 300 au total et seulement 3 ont regardé ma vitrine. Cette rue est juste une parcelle entre le port et Garibaldi ». Petit à petit, le port se dessine au loin, tandis que les façades perdent leurs couleurs et les balcons leurs fleurs. Sur la gauche, un logement vient d’être vendu par « La Forêt ». Quelques mètres plus loin, un autre est à vendre. Personne ne lève la tête. Tout le monde marche regardant droit devant soi. On se rapproche du port, et les magasins sont maintenant tristes. Les visages sont froids. Un commerce brille, un seul, c’est le salon de thé. Des plantes exposées devant la porte, des chaises rose bonbon et deux tableaux qui indiquent les tarifs. Brillants, ils reflètent le début de la rue. Adeline Caldaroni est la gérante, elle raconte que « le salon marchait bien grâce au bouche-à-oreille. Mais le manque de place de stationnement et les bagarres régulières font que les gens n’aiment pas s’arrêter ici. En plus, ce côté de la rue est bruyant, les travaux ne s’arrêtent jamais ». L’enseigne d’une deuxième pharmacie ne clignote pas contrairement à la première. « La rue Cassini est bien que pour son bar, le reste ce n’est pas intéressant » témoigne Jérémy. Un SDF est assis par terre, avec l’espoir de récolter quelques pièces à la sortie du carrefour city. Une nouvelle décoration de Noël est encore suspendue, mais celle-là ne rappelle rien. Le port est enfin là.

Jessica Armaing