Précarité étudiante : « J’ai pensé à arrêter mes études plusieurs fois »

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En 2018, les étudiants manifestaient déjà à Toulouse pour lutter contre leur précarité. /Photo C. Olivier

La tentative de suicide d’un étudiant lyonnais le 8 novembre dernier a relancé le débat de la précarité étudiante. Des milliers de jeunes ont manifesté dans la France entière pour dénoncer leurs conditions de vie, de plus en plus déplorables. Témoignages.

« Aujourd’hui je vais commettre l’irréparable. Si je vise le bâtiment du Crous, ce n’est pas par hasard, je vise un lieu politique, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et par extension le gouvernement… ». Vendredi 8 novembre, Anas K., étudiant de 22 ans, a tenté de s’immoler par le feu devant le Crous de Lyon, laissant un message pour témoigner de ses difficultés financières. Brûlé à 90%, il est depuis entre la vie et la mort. De nombreux étudiants, bouleversés par cet acte, se sont reconnus à travers la détresse d’Anas. Tel un électrochoc, sa tentative de suicide a suscité l’indignation. À Lyon, Paris, Strasbourg ou encore Lille, de milliers de jeunes ont manifesté pour dénoncer leur précarité grandissante. Aujourd’hui, près d’un étudiant sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté.

 « On se débrouille pour survivre avec des petits boulots »

Chaque année, le coût de la vie étudiante augmente et de nombreux jeunes sont contraints de travailler en parallèle de leurs études pour subvenir à leurs besoins. « C’est une obligation, l’argent de la bourse n’est pas suffisant pour tout payer, témoigne Nicola Cocco, étudiant en Licence « Information et communication » à Montpellier. J’ai actuellement plus de 600 euros d’aides mais, entre le loyer, la nourriture, les transports et tous les frais externes, je dépense près de 900 euros par mois. Donc je suis obligé de travailler pour survivre. » Nicola fait alors du ménage, 10 à 15 heures par semaine, pour une société spécialisée. « Sans ce boulot, j’aurais dû arrêter mes études et revenir vivre chez ma mère, lâche-t-il. Les classes moyennes sont aussi touchées par la précarité. Souvent, les aides sociales ne suffisent pas et les parents n’ont pas les moyens pour tout payer… Il faut se débrouiller avec des petits boulots ».

Infographie réalisée avec Infogr.am par C. Beaume

« On a la tête sous l’eau »

En France, 30% des étudiants ont déjà été à découvert. « On est obligé de se restreindre. Combien de fois je n’ai pas pu sortir un soir avec mes copains, soit parce que je n’avais pas d’argent, soit parce que je commençais le boulot à 6 heures le lendemain, souffle Jérémy Bost, étudiant en master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ». Ce futur professeur des écoles a repris ses études à 27 ans après plusieurs années de vie active. De ce fait, il ne touche aucune aide sociale et travaille au minimum 24 heures par semaine dans un supermarché. « C’est la galère. J’ai parfois été à plus de 1600 euros à découvert, poursuit-il. Même quand je recevais mon salaire, j’étais toujours dans le rouge et la banque me prélevait encore plus d’argent… Cela fait maintenant trois ans que je n’ai pas eu de week-end, ni de vacances. Je dois toujours travailler pour combler mes dettes. C’est parfois difficile à supporter, surtout que je dois bosser tout autant que les autres étudiants pour réussir mon cursus ». Malgré des moments de doute, Jérémy est sur le point d’obtenir son diplôme et d’enfin voir le bout du tunnel : « Plusieurs fois, j’ai pensé à tout arrêter mais je me suis accroché. Je vais pouvoir reprendre goût à la vie ».