Nice – Offensive contre les Roms de la place de l’armée du Rhin

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Le kiosque verra le jour courant 2018 mais aucune date n'est prévue pour le carrousel. (Photo H.S)

Depuis plusieurs années, squatteurs et familles de Roms s’invitent sur la place, face au Palais des Expositions. Le comité de défense du quartier a réussi à convaincre la municipalité d’y installer un kiosque à journaux et éventuellement un carrousel pour redynamiser ce secteur commerçant.

« On a une place en plein Nice qui est en train de dépérir ! » Serge Amato, président du comité de défense des quartiers République, Arson, Barla et Riquier, travaille depuis plus de trois ans sur le cas de l’esplanade de l’armée du Rhin. Les riverains et les commerçants membres de l’association multiplient les réunions afin de trouver une solution. Il faut reconnaître qu’il y a du travail. Les témoignages se ressemblent et évoquent les mêmes problèmes. Selon eux, chaque jour, des Roms s’installent sur les bancs. Dans le meilleur des cas, ils se contentent d’y passer leur journée. Dans le pire, ils picolent, se battent et fouillent dans les poches des touristes qui attendent le tramway à la recherche de téléphones, d’argent et de bijoux. « L’objectif, c’est de reconquérir l’endroit et de faire en sorte que ce soit attrayant pour les Niçois », explique Serge Amato, plein d’espoir. Il compte bien sur la médiatisation de la construction d’un kiosque à journaux et peut-être d’un carrousel pour redorer l’image de ce lieu.

Le retraité ne manque pas d’anecdotes sur cette place : « Une fois, le tramway ne s’est même pas arrêté, des Roms se battaient entre eux, les bouteilles de bière volaient dans tous les sens, par-dessus la rame. » Si seulement c’était le seul problème. A l’intersection avec la route de Turin, un squat est très souvent évacué par les forces de l’ordre, avant de se reformer quelques semaines plus tard. « On a dû couper l’eau de la fontaine, sinon ils se mettent à poil et se lavent, on les retrouve souvent au sol, en train de cuver », peste le Niçois dans un haussement d’épaules. Serge Amato est satisfait du projet de la mairie, même s’il est conscient que des travaux ne feront que « déplacer les familles ». La police vient souvent et travaille en relation avec l’association. Mais le problème n’est jamais résolu à cause de l’arrivée de Roms d’autres quartiers de Nice. Pour le moment, il attend de voir ce que va occasionner l’aménagement de la place. Il n’exclut pas de fermer l’esplanade la nuit par des barrières comme c’est le cas sur la promenade du Paillon. « Le souci reste toujours le coût, on pourrait très bien mettre un gardien mais c’est cher », souffle Serge Amato. L’endroit est déjà équipé de caméras de surveillance même si d’après lui, « elles ne remplacent pas le personnel sur le terrain ». Elles ont tout de même permis d’identifier des auteurs d’agressions et de vols à l’arrachée.

L’hiver est un peu plus calme sur la place de l’armée du Rhin. Seules quelques cannettes de bière abandonnées à côté des poubelles et des familles qui mendient avec des poussettes rappellent que le lieu se paupérise. Les SDF et les Roms, cloués sur leur banc, ne bronchent pas et se contentent de regarder les passants. Depuis son restaurant, Jean-François Adam les observe, partagé entre la colère et l’impuissance. « Cette place décline, elle souffre, on perd la moitié de nos clients », peste-t-il, tout en préparant les fiches de paie de ses employés. Selon lui, le manque à gagner se chiffre en milliers d’euros. Il porte un intérêt particulier au projet de la municipalité : « C’est une excellente idée, il faut essayer, pour l’instant il n’y a que des arbres et des Roms ici. » Le commerçant est alarmiste. « Si on ne fait rien, cela deviendra une zone de non-droit » avance-t-il, un regard hostile porté vers l’extérieur. Le patron connaît bien les familles qu’il croise tous les jours. Il va souvent leur parler dans un vaine tentative de rétablir le calme. Le ton monte vite. « Ils chient dans les arbustes, ils se bagarrent à coup de pavés pour un banc, ils boivent toute la journée, tout le monde en a marre ! », s’emporte-t-il.

A plusieurs reprises, il a été forcé d’appeler la police en plein service, à cause de bagarres qui dégénèrent. Durant la période estivale, les touristes étrangers sont la cible privilégiée des pickpockets. Jean-François Adam les voit depuis son restautant en train de s’approcher des visiteurs qui attendent le tramway. Malgré les problèmes qui s’accumulent, il n’accuse pas pour autant la municipalité de ne pas agir. Au contraire, il estime qu’elle fait « ce qu’elle peut, avec ses moyens ». Le restaurateur évoque ses rencontres avec les Roms : « Quand je vais les voir, ils me traitent de larbin parce que je suis serveur, ils vous regardent droit dans les yeux et vous disent qu’ils sont des voleurs. » Il ajoute que des enfants viennent parfois le narguer. La priorité pour Jean-François Adam, c’est de lutter contre l’alcoolisme et la violence. « On ne nous a pas préparés à ça… »

Face à l’arrêt de tramway, Mahmoud Boukadida déconseille à quiconque de se rendre à l’autre bout de la place. Ce coiffeur présent depuis quatre ans décrit une arrivée progressive des Roms. Beaucoup franchissent la porte de son salon mais il ne les accepte plus. « J’ai eu des soucis avec eux, une fois ils m’ont même donné de faux billets », raconte-t-il. Lui aussi a été contraint d’appeler les forces de l’ordre à cause d’une rixe. Il insiste sur la présence d’enfants au milieu de toute cette violence. Le commerçant est convaincu qu’un kiosque à journaux et un carrousel rétabliraient le calme. Il se souvient de sa première année sur la place, quand « il y avait beaucoup de monde ». Mahmoud Boukadida déplore la désertification de l’endroit : « C’est une catastrophe, c’est une zone hotellière mais tout le monde va en centre-ville. » D’après la mairie, le kiosque devrait voir le jour courant 2018. Mais aucune date n’est fixée pour le carrousel. Il n’est même pas certain qu’il y en ait un.

Hélèna Sarracanie