« On ne meurt pas parce qu’on mange du riz »

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Selon Santé Publique France, 1 jeune sur 5 présente des problèmes de santé mentale. Crédit : Image de jcomp sur Freepik

Après avoir été au plus bas ces deux dernières années, Guillaume* décide enfin de prendre sa santé mentale en main. Un choix difficile, mais vital. Le Niçois de 20 ans souffre de troubles du comportement alimentaire et de dépression.

15 kilos en seulement quatre mois. C’est le poids que perd Guillaume au moment de sa séparation avec sa copine. Un choc émotionnel pour le garçon blond. S’ensuit alors une véritable remise en question à l’issue de laquelle il décide de changer du tout au tout. « J’avais une mauvaise estime de moi et je voulais changer physiquement. » La tête baissée, il semble avoir du mal à parler de cette période. En juin 2021, il a la volonté de ressembler aux « gars minces et musclés » que son ex-copine trouvait beaux. Guillaume avoue : « Je pensais que toutes les filles aimaient la même chose. » C’est le début de la descente aux enfers… Alors que le jeune homme entretient une bonne relation avec la nourriture, il entreprend un régime drastique : pas de sucre, aucune matière grasse, les féculents sont interdits le soir, le gluten et le lactose sont bannis… Gêné, il avoue : « Le matin, c’était une compote. C’est tout. Et, je me gavais de légumes, car c’était moins calorique. » Guillaume, passionné de sport et surtout de foot, souffre d’orthorexie. Un trouble du comportement alimentaire se caractérisant par l’obsession de manger sain. Déjà végétarien, Guillaume refuse maintenant systématiquement d’ingérer tout ce qu’il considère comme étant mauvais pour sa santé. « J’avais peur d’attraper des maladies si je mangeais des produits industriels ou transformés. » Aujourd’hui, Guillaume déclare souriant : « Manger ça, comme ça, à cette heure, dans le parc, c’était impossible pour moi avant. » Assis sur un banc de la Promenade du Paillon et lunettes de soleil sur le nez, il est détendu, sa salade de supermarché entre les mains. Une situation peut être anodine pour la plupart des jeunes de son âge, mais pas pour le Niçois.

Perte d’ambition, de joie et de goût pour la vie

« Quand on me proposait d’aller au resto ou ailleurs, je refusais l’invitation. Je disais que j’avais des rendez-vous quelque part ou que j’étais fatigué. » Guillaume, enfermé dans sa peur de manger des plats et aliments qu’il considère malsains, se retrouve isolé socialement. Alors qu’il se régale avec sa salade de lentilles, il explique : « J’avais carrément peur de sortir, car j’avais conditionné mon cerveau en me disant que telles ou telles choses étaient mauvaises pour moi. J’avais aussi peur du regard des autres et d’être jugé. » Scolarisé en BTS diététique via le CNED, le jeune homme est seul. Il passe ses journées dans sa chambre à suivre continuellement la même routine. Leçons, exos, repas, dodo. Il dit : « Mes journées étaient prévues par rapport à mon alimentation. Par exemple, j’avais des heures fixes pour manger et je planifiais à l’avance tous mes repas. » Même ceux-là se font en solitaire pour Guillaume. Il ne mange jamais avec sa famille, car sa mère et son beau-père ne suivent ni son alimentation ni son cadre horaire strict. « Le soir, je devais manger à 19H45 max sinon, pour ma tête, c’était trop tard. » Aujourd’hui, il rigole de ses anciennes pratiques et croyances alimentaires. Totalement renfermé sur lui-même et à bout de force, le footballeur n’est plus que l’ombre de ce qu’il était… Sa famille s’inquiète. Sa mère, impuissante, hésite même à le faire hospitaliser. Guillaume est malnutri, il souffre de nombreuses carences, son poids est trop faible et la dépression est installée. « À l’époque, j’avais l’impression que tout le monde était contre moi, mais maintenant, je réalise qu’ils étaient juste là pour me soutenir. »

« J’apprends chaque jour ce qu’est la vraie vie »

Guillaume prend conscience de ses problèmes de santé en début d’année. « Je me suis vu dans le miroir et ça m’a choqué. J’en avais aussi marre que tout le monde me fasse des réflexions ou s’inquiète pour moi. J’en pouvais plus aussi de tout le temps avoir de froid. » L’étudiant décide alors de reprendre du poids et dépasse finalement la barre des 50 kilos pour 1m76. Le blondinet prend aussi la décision de rencontrer une psychiatre, une diététicienne et des coachs naturopathes pour l’accompagner à déconstruire ses croyances. Il a la volonté de s’en sortir. « Ces professionnels m’ont véritablement aidé à reprogrammer correctement mon cerveau. Ils m’ont fait réaliser qu’on ne meure pas parce qu’on mange du riz. » Aujourd’hui, ce n’est pas tous les jours facile et le jeune homme doit encore combattre certaines de ses pensées. Il se dit « à 90% guéri » mais a encore quelques blocages à travailler. « C’est une bataille de chaque jour où l’on doit aller à l’encontre de ses peurs. Il faut une véritable volonté mentale pour y arriver. » Au quotidien, Guillaume se force à sortir pour apprendre « chaque jour ce qu’est la vraie vie » et voir du monde. Pensif, le regard dans le vague, il admet toujours voir sa psychiatre une fois par mois pour continuer son suivi. « Mon problème maintenant, ce n’est plus vraiment l’alimentation, mais la tête. Je veux prendre soin de moi. » Le jeune homme est d’ailleurs vêtu d’un survêtement et d’une paire de baskets, car il s’en va pour la salle de sport. Un moyen pour lui de se vider l’esprit et de se faire du bien.

*Par souci d’anonymat, les prénoms ont été modifiés

Anaëlle MARQUES