Nicole Scheck, justicière des femmes exilées

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Nicole Scheck vient en aide à de nombreuses femmes nigérianes. © E.M

Jour après jour, Nicole Scheck vient en aide aux réfugiées. Son combat : permettre à ces femmes d’être accueillies dignement en accédant à leurs droits. 

 Elle a ce truc, dans la poitrine. Un feu de compassion et de révolte. Cette force qui la pousse à aider les migrants, et plus particulièrement les femmes. Nicole Scheck les reçois dans la permanence de l’association Habitat et Citoyenneté. En ce moment, elle discute avec Mila*. Cette nigériane de 20 ans a quitté son pays pour de belles promesses d’avenir, sans savoir qu’elle se retrouverait piégée dans un réseau de prostitution en Italie. « Si tu ne ramenais pas d’argent, que se passait-il? », demande Nicole dans un anglais approximatif. Sa voix calme inspire la confiance. « J’étais frappée », souffle la réfugiée. La bénévole tapote le clavier pour écrire son récit de vie. Un document vital pour la jeune maman et son bébé de  trois mois, puisqu’il sera envoyé à l’OFPRA, qui accorde le droit d’asile. Un peu plus loin dans la pièce, une Albanaise, arrivée en France il y a trois ans, chuchote dans un clin d’oeil : « Elle a fait énormément pour moi aussi. »

Nicole ck est tombée dans le milieu associatif en démissionnant de son poste d’infirmière au bout de vingt-cinq ans. Après quoi, elle ne l’a jamais quitté. Médecins sans frontières auprès des sans-abris, Planning-familial, Réseau Éducation Sans Frontière… C’est en 2011 qu’elle atterrit à Habitat Citoyenneté. Au sein de l’organisation, elle se forme sur le droit des étrangers. Passionnée, elle souligne : « C’est le mixe parfait entre mes deux combats : le féminisme et l’immigration ». Cette « convergence des luttes » rythme son quotidien. 

« Les femmes exilées sont invisibles »

Violences conjugales, viol, mariage forcé, excision… « Ce qui me touche le plus, ce sont les horreurs faites spécifiquement à cause du statut de femme », explique Nicole Scheck. Heureusement, elle a le recul nécessaire pour encaisser les histoires qu’elle entend. Même si elle avoue « suivre une psychanalyse », agir reste son meilleur remède. « Écouter sans ne pouvoir rien faire est terrible. Par contre, passer à l’action pour permettre à ces personnes d’accéder à leurs droits, c’est ce qui me pousse », confie la militante. Alors, telle une justicière, elle engage des recours au tribunal et « gagne une fois sur deux ». Comme pour ces femmes, expulsées de leur logement le jour où leur enfant fête son premier anniversaire. Elle raconte : « Le préfet a décidé qu’une mère et son enfant ne pouvaient être hébergés qu’en-dessous des un an du bébé. Autrement, c’est la rue. C’est absolument illégal, cette loi n’est écrite nulle part ! Leurs droits sont bafoués », estime l’humaniste. 

Pour dénoncer cette « violence institutionnelle », Nicole Scheck a pris la parole le 24 novembre dernier lors de la marche « Nous Toutes » à Nice. « On ne montre que des hordes d’hommes mais les femmes migrent, s’exilent, existent ! Elles sont complètement invisibilisées. » De manière générale, « la violence que l’humain inflige à l’humain (la) dépasse ». Alors, il lui arrive d’écrire pour mettre sur papier ses réflexions. À 61 ans, elle s’interroge : « Comment changer les choses ? En arrêtant de définir les exilés par leur statut d’étranger. Oui, je pense qu’il faut faire l’effort de voir l’humain dans la masse. »

Émilie Moulin

* ce prénom a été modifié